Pour l'honneur de la démocratie
Depuis sa défaite contre Biden, Trump s’enfonce dans la maladie mentale et entraine le monde entier avec lui. Sa blessure narcissique de 2020 a été envenimée par ses mensonges à répétitions, ses invectives bravaches et, plus inattendue, l’oreille compatissante de milliardaires de la Tech, voyant l’opportunité de glisser leur vision libertarienne de la vie dans le cerveau vide d’un voyou de la finance. Passe encore que 76,8 millions d’Américains aient voté pour un candidat dont le programme annoncé va les faire très sérieusement souffrir. Cela ouvre une perspective de travail aux psychosociologues sur l’efficacité de la flatterie de masse des bas-instincts alliée à l’étrange pulsion ontologique du besoin de chef. La clé de leur vote est peut-être dans la libération par un chef de la vulgarité, de la bêtise et de la haine. Haine cultivée par deux décennies de globalisation financière avec ses conséquences sur l’économie, l’emploi, la justice sociale.
Le discours trumpien légitime et décomplexe l’idiotie, le racisme, le mensonge, l’obscurantisme et l’imposition par la force de son point de vue au nom du chacun pour soi et dieu pour tous. Ainsi, l’Amérique tire un trait sur 238 années de mûrissement de sa démocratie pour renouer avec la sanglante et honteuse histoire de sa création par une alliance de renégats des prisons anglaises et européennes et une bande de dogmatiques protestants. La mémoire des peuples amérindiens en témoigne. L’Amérique a une rechute de péché originel. Que l’on ne vienne pas nous parler de sens de l’histoire !
Lèpre de l’esprit
L’affaire dépasse le seul pays au monde où 12 millions de gens croient encore que la Terre est plate et que le monde fût créé en six jours, toute opinion différente relevant du complot mondial. De par leur puissance économique et militaire, les États-Unis influencent considérablement le monde entier. La portée des insanités morales et politiques proférées par Trump a déjà eu des conséquences bien avant les 26 décrets scélérats du 20 janvier. Depuis novembre 2020 et la prise du Capitole qui en a découlé, les dictateurs (Poutine, Xi Jinping,) les apprentis dictateurs (Orban, Erdogan, Netanyahou), les aspirants dictateurs de l’extrême droite européenne, ne se sentent plus isolés dans leur piétinement des droits humains et de la souveraineté des États.
Le déni des vérités qui dérangent a traversé l’Atlantique. En France, l’extrême-droite arrive en tête aux élections législatives avec un discours souverainiste que Trump ne renierait pas. Le ministre Républicain Retailleau donne l’immigration en pâture. Les deux premiers syndicats agricoles remettent en cause les vérités scientifiques qui d’une part prouvent l’empoisonnement général de la population par les pesticides, d’autre part démontrent la possibilité économique d’une transition écologique, et successivement deux ministres de l’agriculture les soutiennent. Le 1er ministre attaque l’Office français de la biodiversité, le Sénat veut supprimer l’agence Bio. Les coupes budgétaires de Bayrou visent l’écologie, la démocratie locale, les fonctionnaires.
Jusqu’au président Macron, qui empruntant au matamore américain, se laisse aller à mentir sur le départ des bases militaires françaises en Afrique de l’Ouest et ajoute un scandaleux « Je crois qu'on a oublié de nous dire merci » à l’adresse de ces pays africains.
En Europe, piétinant la vérité des travaux scientifiques de milliers de climatologues internationaux, la Commission européenne détricote le Pacte vert d’adaptation au climat pour satisfaire les climatosceptiques et les lobbys cyniques de l’agrochimie. Autant que les États-Unis, nous plongeons dans l’obscurantisme.
Trump éructe sur les importations européennes en Amérique … et, le doigt sur la couture du pantalon, Stellantis répond aux ordres du foutriquet de Washington au détriment de l’économie européenne. Trump veut annexer, si besoin militairement mais sûrement par asphyxie économique, le Groenland, le Canada et Panama car, dans sa vision, le bien commun des autres, leur droit du sol, sont inférieurs à la « sécurité nationale » des États-Unis : les responsables politiques européens, comme pétrifiés, répondent du bout des lèvres que ce n’est pas bien.
Alors que la Californie brûle, Trump retire les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat et rejoint les rares pays qui campent en dehors (Érythrée, Iran, Libye, Yémen) : les responsables politiques se bousculent pour reprendre le leadership climatique américain mais aucun ne s’exprime contre Trump. Idem quant au retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (tandis que Trump nomme un antivax ministre américain de la santé) : peu de réactions des états européens et l’UE se prépare en silence à payer l’addition.
Trump piétine les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) celles-là même qui ont fait la fortune des multinationales mais personne ne bronche, pire tout le monde rampe. Les dirigeants politiques, économiques, financiers, les plus propagandistes de la globalisation du monde, semblent tétanisés par le naufrage de l’état de droit et uniquement préoccupés à sauver ce qu’ils peuvent d’un commerce international qui tourne à la guerre. Une lèpre de l’esprit se répand en pandémie mondiale. Elle annonce l’agenda de Trump et des libertariens. L’agenda de la virtualisation du monde, des ersatz en tout genre, des robots, des humains augmentés. L’agenda de l’empire du faux. L’agenda du chaos.
Libertariens
Trump puise ses décrets dans le Projet 2025 de The Heritage Foundation, think-tank de la droite dure catholique américaine. Musk « chrétien culturel » comme il se définit, est l’accélérateur et le zélateur de cette sinistre aventure. Musk est libertarien. Le libertarianisme de Trump et de Musk repose sur la liberté individuelle d’expression et d’entreprise sans régulation, sur la propriété privée, sur la croissance économique sans limite. L’état est réduit au minimum, juste comme outil de coercition contre ceux (individus ou états) qui entravent cette marche glorieuse au millionnariat. Et que les meilleurs et les plus forts gagnent. C’est une régression du droit, de la justice, de la vérité, des Communs, de la reconnaissance de l’altérité, bref tout ce qui fait une société. Avancer une régulation au nom du bien-vivre ensemble, de la protection d’un bien commun naturel ou social, ou de la solidarité, est considéré comme une entrave à la liberté et à l’entreprenariat, donc susceptible de poursuites « judiciaires ». Exemple, les représailles annoncées par Trump à l’égard d’entreprises européennes travaillant avec des pays ou des entreprises qui déplaisent aux libertariens. Chez eux la liberté infinie c’est la leur pas celles des autres. Le monde change de base et ce n’est pas bon signe.
L’honneur de dire « stop ! »
On entend chez les veules « bof, ça ne durera que quatre ans ». Peut-on laisser attaquer le principe même de faire société, y compris dans les échanges internationaux, pendant quatre ans ? Les dynamiques mortifères que le libertarisme peut mettre en route sont difficiles à arrêter : révoltes de la faim, migrations climatiques, guerres de l’eau, guerres d’annexion, guerres des terres rares, exploitation par les populistes des malaises et malheurs induits par l’idéologie du chacun pour soi, par les mensonges inondant les médias, par l’ouverture de l’égout des humeurs, colères et haines, mobilisant les réseaux sociaux pour descendre dans la rue en quête de lynchage expiatoire.
Les dirigeants politique s’alignent sur le terrain choisi par ces deux fossoyeurs de la démocratie. On se pince le nez mais on défend les contrats commerciaux. Or c’est d’abord la démocratie qu’il faut défendre et non pas les intérêts économiques.
Musk s’en prend ouvertement à l’Europe et l’Europe baisse la tête ou regarde ailleurs. Il faut un sursaut moral et l’honneur de dire stop ! Nous avons quitté la joute démocratique entre libéraux et socio-démocrates, nous sommes au bord de l’abîme ouvert par le libertarisme. Qui osera dire le premier que, nonobstant sa couronne, le roi Trump est un fou dangereux ? Arrêtons de subir le flot de zizanie et d’hystérisation sociétale ! Défendons les valeurs morales de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui ont inspiré les démocraties du monde entier. Opposons le combat éthique à la guerre commerciale, la joie du vivre ensemble à la guerre de tous contre tous. Ne perdons pas le sens commun, le bon sens des réalités, et stoppons les destructeurs des conditions de vie sur Terre.
Le paradigme libertarien a un avantage : il fait progresser la conscience de l’urgence à défendre collectivement le village global. La conscience terrienne. Restons unis pour la faire triompher. Pourquoi pas un appel international des consciences morales du monde ? Et histoire de taper au foie, un gigantesque boycott international de l’économie américaine jusqu’à la destitution des deux cinglés ?
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Gilles Luneau, rédacteur en chef de GLOBAL